樊赛讷大学的课程
一个好年,就是平衡的一年,就是当:如果它让你开心,它就让我开心,如果它让我开心,它就会让你开心,它让你开心,然后它就……不过,却从来不是出于相同的理由”。
(一个好年,是与围着我们的世界,我们置身的世界保持快乐、和谐。)
René Gouty : on commence le quatorzième... (rires)
Deleuze : tu as dit quatorze mais c’est beaucoup trop, c’est beaucoup trop ... . Alors on a quatorze fois ça , quatorze fois ça...
René Gouty : quarante deux ...
Deleuze : quarante deux... c’est quelque chose .... Bon vous me direz, c’est ordinaire ...
bon ! Alors la dernière fois et c’est fini. On a fait un plan, la dernière fois. Je redis vite : Il s’agissait d’une confrontation directe et arbitraire entre image moderne et image classique, arbitraire puisque on extrayait deux exemples : exemple Eisenstein, exemple Godard. La confrontation nous a fait développer trois points : un cinéma tonal, dit classique, comment se définit-il ? enchaînement d’images par coupures rationnelles... ; un cinéma sériel dit moderne, comment se définit-il ? ré-enchaînement d’images sur coupures irrationnelles.
Deuxième point : un cinéma classique dit structural ou cinéma de vérité. La vérité, j’insiste beaucoup, étant un modèle indépendant de la dualité possible réel / fictif car c’est le même modèle de vérité qui sert au réel et à la fiction. Quel est le modèle de vérité ? en fait c’est qu’en même temps que les images s’enchaînent par coupures rationnelles, les images enchaînées s’intériorisent dans un Tout et le Tout s’extériorise dans les images. Un tel mouvement par lequel elle s’intériorise dans les images et le Tout s’extériorise dans les images, est le mouvement dit "vrai" par opposition à un cinéma moderne qui - voir une année précédente, je crois l’année dernière - pour ceux qui étaient là - récuse tout modèle de la vérité pour se réclamer des puissances du faux en tant que les puissances du faux forment une série. Tout s’enchaîne parfaitement. Ce n’est plus un cinéma de la vérité, c’est la vérité du cinéma. Et on a vu l’importance de ce retournement et en quel sens un cinéma qu’on pourrait dire direct, n’a rien à voir avec un cinéma direct mais en revanche a à voir avec ce retournement, où le cinéma ne se réclame plus d’un modèle de vérité, n’est plus un cinéma de la vérité, mais prétend à atteindre une vérité du cinéma.
Troisième aspect : l’image classique en tant que tonale et structurale est une représentation indirecte du temps. L’image moderne en tant que sérielle et vérité du cinéma est une présentation directe du temps. Qu‘est ce que veut dire présentation directe du temps ? nous l’avons vu les autres années et revu la dernière fois. Cela veut dire que le temps est arraché à sa forme empirique de la succession et qu’il l’est de deux manières. Il y a deux grandes images-temps directes. Il l‘est sous la forme, appelons la " succession empirique du temps", appelons la "le cours du temps". La présentation directe du temps ou l’image-temps directe se présente sous deux formes. - La série du temps qui conserve l’avant et l’après mais pour en faire des qualités intrinsèques du temps. Ces qualités intrinsèques présentent dés lors la série du temps comme un passage. Passage de quoi à quoi ? pas passage du présent ? non !...mais le passage on l’a vu, d’une attitude à une autre, passage suivant un gestus, le gestus se faisant suivant un acte de fabulation. Le flagrant délit de fabulation, voilà ce qui distribue l’avant et l’après dans la série du temps.
Deuxième aspect de l’image-temps directe, non plus la série du temps mais l’ensemble du temps. Non l’ordre du temps, c’est à dire la coexistence des rapports de temps, la coexistence de tous les rapports de temps et cette fois ci, ce n’est plus comme tout à l’heure comme pour la série, la série horizontale du temps, c’est à dire l’enchaînement des attitudes suivant un gestus qui met en jeu l’acte de fabulation mais c’est la construction verticale des séries, sous la forme que nous avons vu : la coexistence des séries. Voilà cela forme un ensemble.
Mon invocation la dernière fois, quand on terminait, c’était : est ce que certains d’entre vous ont à signaler que dans ce cadre relativement étroit, d’autres choses pourraient s’insérer ou bien est ce que certains d’entre vous pensent qu’il y a lieu de revenir sur certaines de ces autres choses avant que nous passions à .. ? Voilà, à cette question il n’y a que vous qui puissiez répondre. D’ailleurs la question, elle est double ou bien il y a des choses qu’il faut revoir parce qu’elles ne vous paraissent pas au point, ou bien je ne sais plus ou bien il y a des choses à ajouter, non ? non ? non ? bien, très bien ! Alors nous passons, nous sommes forcés parce qu’encore une fois, on n’a pas cessé de buter dans notre analyse de l’image moderne mais à chaque fois il fallait faire un tour de passe-passe sur quelle image moderne, nous ne pouvions pas la définir sans nous référer à certains actes de paroles. Il va de soi que si l’acte de fabulation a tellement d’importance dans le cinéma moderne, il met en jeu un acte de paroles. C’était une manière de dire le cinéma moderne est inséparable du « parlant », ça ne voulait pas dire le cinéma moderne coïncide avec le « parlant » ça voulait dire : sans doute le cinéma moderne à besoin d’un certain usage du « parlant ». Peut être que cet usage du « parlant » est tout à fait révolutionnaire par rapport à l’apparition du « parlant » dans le cinéma, mais enfin on sentait bien que venait encombrer nos pieds, dès que nous essayons d’avancer, venait nous encombrer cette question du « parlant » dont on ne pouvait rien dire, nous, puisque nous n’avions pas posé le problème.
Et puis inversement au niveau de l’image classique, on traînait depuis longtemps un problème, dont on n’a jamais parlé les autres années et puis l’heure est venue. J’ai tardé le plus possible à en parler parce que bon, qui était, mais même muet : l’image cinématographique n’a telle pas quelque chose de fondamentale qui la met en rapport avec soit la langue soit quelque chose de voisin ? Même muet. Si bien que maintenant nous nous trouvons donc devant comme un nouveau chapitre, ce nouveau chapitre va tourner autour de trois problèmes très différents mais il se trouve que ces trois problèmes très différents ne vont pas cesser de se lier, de se nouer. Chacun de nous a des impressions très différentes, ce qui m’ennuie peut vous intéresser... Ce qui m’intéresse peut vous paraître extrêmement ennuyeux. Alors une bonne année c’est quand ça s’équilibre, c’est quand, si ça vous amuse, et bien cela m’amuse et si ça m’amuse, cela vous amuse et alors là c’est... mais c’est jamais pour les mêmes raisons. Tout ceci est une introduction pour dire que dans ce nouveau pan il y a des choses qui m’amusent beaucoup, qui m’intéressent et puis je crois que c’est cette année seulement que je vais, que je suis devenu capable d’en parler un peu. Et qu’il y a des choses qui m’ennuient à périr... Et voilà comme toujours, c’est pas toujours la fête et le devoir moral fait que, il faut que je parle des choses qui m’ennuient à périr. Alors les choses sont assez perverses, la nature des choses est assez perverse pour que certains d’entre vous, en effet, trouvent très ennuyeux ce que je trouve amusant et inversement. Je compte là dessus ..
je dis tout de suite, bon, il y a un premier problème que l’on va avoir à considérer et qui coïncide avec les débuts du cinéma, bon. S’il y a un enchaînement d’images et si le cinéma se présente comme un enchaînement d’images-mouvements sous sa forme la plus classique, enchaînement d’images-mouvement par coupures rationnelles, images classiques, il a quelque chose à faire avec la langue et après tout c’était le début du cinéma : le cinéma est la réalisation de ce que l’on cherchait en tous temps et en tous lieux : la langue universelle. Ce thème est tellement connu que je n’insiste pas. Vous remarquez qu’il est tout à fait indépendant du « parlant « ou bien, toujours dans ce premier point de vue, si ce n‘est pas avec la langue que l’enchaînement des images cinématographiques a à faire, peut être est ce avec quelque chose de voisin ? Je garde à "voisin" son sens le plus vague. Qu’est ce qui peut être voisin de la langue ? Toute une école s’est constituée depuis peu, toute une école dite de sémiologie pour nous dire : on a cru dans un premier temps que le cinéma avait affaire avec la langue. Il n’a pas affaire avec la langue, le cinéma n’est pas une langue , en revanche il a affaire avec quelque chose de voisin de la langue, qui est quoi ? Qui est le langage. D’où la formule de Christian Metz : « le cinéma, langage sans langue ». Qu’est ce que çà peut vouloir dire ? En France, cette école a donc été inaugurée par les recherches de Metz, développées par de nombreux disciples qui se réclament d’une sémiologie linguistique ou comme ils disent d’une "sémio-critique" et met directement en cause un auteur de cinéma : Robbe Grillet. Puisque Robbe Grillet fut de loin le cinéaste, d’abord l’exemple privilégié, sur lequel se sont penchés un grand nombre de partisans de la sémio-critique et d’autre part lui même s’est mêlé, s’est mêlé très étroitement à leurs travaux suggérant des interprétations dont il a le secret. En Italie vers la même époque se développait une école sémio-critique, sous l’autorité de Garoni , Ga-ro-ni, c’est ça, qui a pris également un très grand développement, à laquelle appartient - je ne dis pas qu’ils disent tous la même chose - et où vous trouverez aussi un auteur italien célèbre : Umberto Eco et à laquelle est mêlé - d’une manière non moins complexe que Robbe Grillet avec l’Ecole Française - à laquelle est mêlé un grand cinéaste : Pasolini. Voilà les situations. Nous ne savons pas bien encore quelles différences il peut y avoir entre langage et langue. Nous savons en tous cas, et nous pouvons dire que, quand à la formule de Metz qui pourrait être signée par tous les sémiocriticiens critiques, c’est même à cela qu’on les reconnaît. Quelqu’un qui dit : "le cinéma est un langage sans langue", celui-là est un sémiocritique ou un sémiologue d’inspiration linguistique. Nous ne savons pas encore ce que signifie cette distinction langage/langue. Nous savons au moins, que surtout, il ne faut pas la confondre avec une toute autre distinction : langue /parole, le langage n’est pas identique à la parole. Si bien que linguistiquement, nous seront évidemment forcés de distinguer au moins trois niveaux : la langue ; le langage ; et la parole .
Autant la distinction langue/parole est devenue familière au moindre lecteur des linguistes, autant la distinction langue-langage est peut être un tout petit peu plus difficile. Dans cette perspective j’annonce que je serai forcé de développer des points qui pour un certain nombre d’entre vous sont acquis et sont des évidences. Je devrai les développer comme si vous ne saviez rien parce que d’une part : je suppose que certains d’entre vous ne savent rien dans ce domaine, c’est légitime. Certains d’entre vous n’ont pas encore été touchés par le moindre élément de linguistique, cela m’étonnerait mais on ne sait jamais et d’autre part : parce que j’ai besoin de le prendre pour mon compte et de voir ce que j’ai à en tirer . Bon, Je ne cache pas que pour Moi c’est la partie la plus morne du monde mais que il faut y passer. Il faut y passer sinon je ne vais pas arriver à ce qui m’amuse. Car le travail n’est pas toujours drôle ....ce qui nous sauve c’est qu’il est si souvent drôle, car le drôle c’est pour Moi, le second problème... J’avais annoncé un premier problème. Pour Moi, le drôle c’est le second problème, qui lui m’amuse vraiment. C’est que le précédent problème ne tient aucun compte de l’existence ou du moins, je me corrige, ne tient aucun compte direct, principal, de l’existence du « parlant », de l’existence ou non du « parlant ». Je sens que ce que je dis, n’est pas vrai pour certains sémio-physiciens. Mais en principe c’est vrai et notamment chez Christian Metz. Il est très évident, il le dit explicitement, que le code audio visuel, on comprendra plus tard ce que ça veut dire tout ça, le code audiovisuel du cinéma doit être considéré comme absolument distinct du code langagier par lequel, les images cinématographiques peuvent être considérées comme un langage. Donc les raisons pour lesquelles les images cinématographiques doivent être considérées comme un langage, sont tout à fait étrangères à l’existence ou non du » parlant ».
Si bien que le deuxième problème très distinct, mon deuxième problème étant : non pas, qu’est ce que le "parlant" ? Parce que je voudrais le poser d’une manière plus précise, mais il y a t-il des actes de paroles que l‘on pourrait appeler cinématographiques ? Est ce que le cinéma nous présente des actes de paroles spécifiques ? Bon, alors du coup, à peine je pose le problème ainsi, je dis : ça vaut déjà pour le »muet ». Car je rappelle ce que la plupart d’entre vous savent, comme ça à été dit souvent, le « muet » est mal dit « muet ». Jean Mitry nous dit « il n’y a jamais eu de cinéma « muet », il n’y a que du cinéma. Il y a eu du cinéma « silencieux », ce n’est pas la même chose ; ça veut dire les gens parlent et ne cessent pas de parler simplement on ne les entend pas. Donc ce n’est pas un cinéma muet, c’est un cinéma profondément phonatoire : la phonation est un acte de parole. Que les sons ne soient pas entendus, c’est une autre affaire. Je tiens même pas compte du fait que le cinéma « muet » était, comme on le rappelle aussi très souvent, était déjà sonorisé. Soit sous la forme d’un commentateur, soit sous la forme d’une musique. Et même indépendamment de cela, le cinéma du « muet « nous présente des gens qui ne cessent pas de parler. Il est silencieux et non pas muet. Michel Chion dans son livre sur la voix, » la voix au cinéma « , je crois , »la voix au cinéma « dit encore mieux : « le cinéma n’a jamais été muet, il a été sourd « ce qui revient à la formule de Mitry en plus brillant. Un cinéma sourd, ce n’est pas un cinéma muet.
Donc il y a eu de tous temps des actes de paroles au cinéma. Je demande si le cinéma nous présente des actes de paroles spécifiques ou si ce sont des actes de paroles non spécifiques ? C’est à dire qui n’ont aucune différence assignable avec des actes de paroles, qui seraient simplement des enregistrements d’actes de paroles ordinaires tels qu’ils sont dans la vie sociale ou bien qui n‘auraient pas de différences spécifiques avec les actes de paroles théâtraux. Vous voyez que la question a un sens : y a t-il des actes de paroles formellement spécifiques c’est à dire qui appartiennent au cinéma comme tel et qui n’existent que chez lui ? ce qui nous permettrait au moins de régler toutes sortes de bêtises sur les rapports cinéma/théâtre ? Parce que s’il y a déjà des actes de paroles spécifiques au cinéma vous comprenez qu’il n’y a plus tellement besoin de réfléchir sur les différences cinéma-théâtre, à savoir que même au niveau des actes de paroles, ce ne seront pas les mêmes actes de paroles. Bon, mais ça m’intéresse aussi et c’est pour cela que ça m’amuse à un autre égard. L’autre égard c’est celui ci : c’est qu’une discipline, que certains d’entre vous connaissent aussi, qu’on appelle la sociolinguistique, a toujours attaché beaucoup d’importance à la classification des types d’actes de paroles. Comment classer ? Alors dans le souci que nous avons depuis plusieurs années, de faire une classification, classification des images et des signes - là ça me plaît beaucoup, si on arrive à tirer du cinéma, non seulement une forme spécifique de l’acte de paroles. C’est un aspect de la question
Et deuxième aspect de la question : si on arrive à en tirer une classification des actes de paroles cinématographiques ensuite, on pourra se demander si le cinéma ne nous a pas révélé, une manière de classer les actes de paroles en général qui peut enrichir la sociolinguistique. C’est à dire il y aurait une réaction du cinéma grâce à ses actes de paroles spécifiques sur une typologie générale (..) phonétique du droit Je demande si déjà, le fait supposé de la narration comme caractère, comme un fait de l’image cinématographique est analogue à la géométrie euclidienne c’est à dire a pour caractère l’universel et le nécessaire ? Vous me direz pour la géométrie euclidienne non plus, puisqu’il n’y a pas que des géométries euclidiennes, Il y en a des non euclidiennes. Pour une part Kant ne les connaissait pas, elles sont après Kant. Et j’ai honte de cette réponse parce que cela consisterait à dire que la découverte de géométries non euclidiennes ou leur construction, suffit à rendre caduque le kantisme, alors que ça n’en change pas un mot. Pour une raison simple, c’est que les géométries non euclidiennes et de manières très complexes, sont susceptibles et même impliquent des connections dites euclidiennes. Est ce que le fait de la narration hollywoodienne est du même type ? Je reprends les trois étapes de Metz.
Il y a un fait, c’est que le cinéma s’est constitué comme cinéma de narration à Hollywood, voilà !